L'ORIGINE DES HIPPOCAMPES CE QUE DISENT LES FOSSILES ET L'ADN
Nous remercions Jure Žalohar¹ qui nous a fourni toute l’information disponible et les cartes et photographies montrées dans cet article, ainsi que Tomaž Hitij² et Matija Križnar¹ coauteurs de l’article original paru dans les Annales de Paléontologie (Vol. 95 – N°2- avril-juin 2009). Merci aussi à Maja Hitij pour ses photographies.
¹ Département de Géologie, faculté des Sciences Naturelles et d’Engineering, Université de Lubiana, Slovénie. ² Ecole dentaire, faculté de Médecine, Université de Lubiana, Slovénie. Traduction des noms sur les cartes de l’anglais au français par nos soins. LES FOSSILES
Il y a encore peu de temps les fossiles les plus anciens d’hippocampes que l’on avait trouvés ne dataient que de 5 à 7 millions d’années, c’est-à-dire du Pliocène inférieur. Ils avaient été découverts avec des fossiles d’autres poissons marins, sur le site de la rivière Marecchia dans la région de Poggio Berni, province de Rimini dans le Nord Est de l’Italie.
Echelle du temps géologique de l'ère Cénozoïque (la plus récente et la plus courte des ères géologiques)
Holocène - 10 000 ans à nos jours Pleistocène - 1.8 millions d'années à - 10 000 ans Pliocène - 5 à - 1.8 millions d'années Miocène - 23 à - 5 millions d'années Oligocène - 38 à - 23 millions d'années Eocène - 54 à - 38 millions d'années Paléocène - 65 à - 54 millions d'années
TETHYS
Mais pourquoi il y a t il des fossiles marins en abondance, dans cette vallée du Marecchia de la chaîne de montagne des Apennins ? Il Y a 320 millions d’années existait le grand océan Téthys ainsi que des continents fort différents de ceux qui existent actuellement. Sous l’action des plaques tectoniques qui déplacent des morceaux de continents, la partie ouest de cet océan va d’abord rétrécir pour devenir une mer reliant Atlantique et Océan Indien ; puis, la poussée des plaques fermera le passage vers l’Océan Indien. Une partie de Téthys deviendra une mer épicontinentale
Aujourd’hui des chaînes de montagnes des Pyrénées à l’Himalaya en passant par l’Atlas et les Alpes ont été créées. Du grand océan Téthys disparu restent des traces, la mer Méditerranée et les mers Noire, Caspienne et d’Aral. Le fond de cet océan a été soulevé ; c’est lui qui contient les restes fossilisés d’animaux marin. La province de Rimini se trouvait donc au fond d’une Méditerranée au contour différent de celui qu’elle a actuellement. Les hippocampes retrouvés fossilisés y vivaient au Pliocène inférieur. Il s’agit d’une espèce qui existe encore de nos jours, en particulier sur les côtes françaises, l’Hippocampus guttulatus. Quant au bassin pannonique, il était alors largement exondé.
LA SLOVENIE
L’histoire aurait pu en rester là et les fossiles d’hippocampes d’Italie rester les plus anciens. Mais des fouilles furent organisées en 1997 en Slovénie, dans des collines situées sur les bords ouest du bassin pannonique.
Un petit torrent qui coule à Et en 2005 un évènement apparemment anodin se produisit : de nouvelles fouilles démarraient dans l’endroit le plus prometteur de cet affleurement de couches géologiques.
Sous la végétation et la terre arable, l’équipe de Jure Žalohar et Tomaž Hitij allait peu à peu mettre à jour 8 couches constituées en alternance de siltstone carbonaté à structure laminée et de marnes argileuses grises. Le siltstone est une roche sédimentaire à la granulométrie comprise entre le grès et le schiste; les marnes sont des mélanges d’argile et de calcaire.
L‘âge de ses différentes strates a été déterminé grâce à la présence d’algues microscopiques et unicellulaires, des diatomées. Dans tous les échantillons prélevés sur le site il y a toujours au moins une espèce de diatomée caractéristique de l’époque du Sarmatien inférieur. Tous les fossiles qui seront trouvés datent donc de cette époque située au Miocène moyen, 13 millions d’années avant notre ère.
Mais cette campagne de fouilles va s’étendre sur 3 ans avant d’aboutir à de superbes résultats ...
L’équipe trouve ainsi dans les 4 couches de siltstone carbonaté de nombreux fossiles de bonne taille.
Ce sont d’abord des insectes qui sont les plus abondants.
Puis un grand nombre d’autres fossiles révèlent l’existence d’un milieu marin.
Des phanérogames (plantes à fleurs marines) ressemblant à des zostères et des macro-algues de plusieurs genres actuels (Gelidium, Dictyota, Chaetomorpha etc..) sont bien représentées.
De nombreuses méduses évoquant par leur nombre une mortalité de masse sont présentes dans une des strates.
Enfin les poissons sont aussi présents en grand nombre : 11 familles ont été identifiées sur plus de 160 fossiles examinés. Ci-dessous on voit un petit poisson de la famille des clupeidés (Clupeidae), famille qui comprend actuellement sardines et harengs.
Voici aussi un magnifique fossile de poisson-aiguille, un proche parent des hippocampes.
Les hippocampes prédominent et sont exceptionnellement nombreux dans la sixième strate. Dans la plupart des cas seules la tête et la colonne vertébrale sont préservées.
Mais certains spécimens, comme le suivant, présentent des caractères spécifiques visibles, comme des plaques osseuses et des épines sur leur corps dans la région du cou.
Et le 21 mai 2006 se produit une incroyable découverte : celle d’un spécimen très bien préservé d’une femelle adulte. Et alors que les spécimens découverts en Italie appartenaient à une espèce actuelle bien connue, Hippocampus guttulatus, le spécimen découvert ici en Slovénie appartient à une espèce vieille de 13 millions d’années, espèce éteinte aujourd’hui ! Il mesure 5 cm de long, ce qui en fait l’hippocampe le plus grand qui ait été trouvé lors de ces fouilles. Son excellent état de préservation permet d’observer toutes ses caractéristiques morphologiques. Il ne manque que les nageoires pectorale et dorsale ainsi que 25 ou 26 anneaux de la queue. S’il avait été complet il aurait sans aucun doute atteint près de 9 cm. Ce spécimen est devenu l’holotype de cette espèce nouvellement découverte. L'holotype est en effet le spécimen original d’une espèce, spécimen référent nommé et décrit par son inventeur dans une publication scientifique particulière. Cette espèce d’hippocampe sera appelée Hippocampus sarmaticus, d’après le nom du Sarmatien, dernière période du Miocène moyen. Comme ce terme de Sarmatien n’est utilisé que pour la Parathétis centrale, le nom de « sarmaticus » indique bien l’époque et l’ère géographique dans lesquelles vivait cette espèce d’hippocampe. La plupart des autres spécimens sont beaucoup plus petits que l’holotype ; ce sont de très jeunes hippocampes dont la taille varie entre 15 mm et 4 cm. Mais de nombreux détails sont visibles sur tous les fossiles; ils ont permis la reconstitution graphique précise d’un membre de cette espèce. La queue est très longue par rapport au tronc, 70% du corps, et comporte entre 42 et 43 anneaux. Les épines dorsales sont très développées mais la queue n’est ornée que de tubercules. La couronne est très plate. Une épine unique se trouve sous la joue. L’observation de plusieurs spécimens suggère aussi que Hippocampus sarmaticus avait de nombreux points noirs sur tout le corps. Les espèces actuelles d’hippocampes qui s’en rapprochent le plus sont Hippocampus histrix, H. jayakari et H. spinosissimus. Cette découverte extraordinaire est la plus importante jamais faite en paléontologie sur les ancêtres des hippocampes actuels.
(A suivre)...
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